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Marcus Junianus Justinus
Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée.
texte établi et traduit par Marie-Pierre Arnaud-Lindet.

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Livre I

Des Assyriens aux Perses, Ninus, 1,4—Sémiramis, 2,1—Les rois Assyriens, 2,11—Sardanapale, 3,1—Le songe d'Astyage, 4,1—L'exposition de Cyrus 4, 6—L'enfance de Cyrus 5,1—Le message d'Harpage 5,8—La guerre entre Cyrus et Astyage 6,1—Le règne de Cyrus, 7,1—Crésus et les Lydiens 7,3—Histoire de Gygès 7,14—Cyrus et la reine Tamyris, 8,1—Cambyse, 9,1—L'usurpation des mages, 9,9—Le choix de Darius, 10,1—Histoire de Zopyrus 10,15.


1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

1,1 À l'origine, le pouvoir sur les peuples et sur les clans1 était aux mains de rois qu'un sens de la mesure éprouvée parmi les gens de bien, et non la recherche démagogique des suffrages, élevait au faîte de cette majesté. 2 La population2 n'était liée par aucune loi, les décisions des princes tenaient lieu de lois. 3 La coutume était de défendre les territoires en son pouvoir plus que de les étendre ; chaque règne était enfermé dans les frontières de sa propre patrie3.

Ninus 4 Le premier de tous, Ninus, roi des Assyriens4, pris d'une avidité neuve de pouvoir, changea ce qui était une vieille coutume quasi ancestrale pour les peuples. 5 Il fut le premier à faire la guerre à ses voisins, et soumit, jusqu'aux confins de la Libye, des peuples encore malhabiles à résister. 6 Il y eut, certes, en des temps plus anciens, Vezosis5 l'Égyptien et le roi de Scythie Tanaos6 : le premier s'avança jusqu'au Pont, et le second jusqu'en Égypte7 ; 7 mais ils faisaient des guerres au loin, non pas aux alentours et, se satisfaisant de la victoire, ils ne recherchaient pas le pouvoir pour eux-mêmes, mais la gloire pour leurs peuples. Ninus affermit par une prise de possession permanente la grandeur de la domination qu'il avait recherchée. 8 Et ainsi, une fois ses voisins soumis, alors que, plus puissant par l'appropriation de leurs forces, il passait à d'autres, et que chaque dernière victoire était l'instrument de la suivante, il assujettit les populations de l'Orient tout entier. 9 Il fit sa dernière guerre contre Zoroastre8, le roi des Bactriens, qui fut le premier, dit-on, à découvrir les procédés de la magie et les éléments constitutifs du monde, et qui observa avec grand soin les mouvements des astres. 10 Ce dernier ayant été tué, Ninus mourut lui-même, laissant un fils encore impubère, Ninyas, et une épouse, Sémiramis9.

Sémiramis
2,1 Celle-ci, n'osant ni remettre le pouvoir à un enfant immature, ni s'en charger elle-même ouvertement — des peuples si nombreux et si puissants, qui auraient de la peine à obéir patiemment10 à un seul homme, obéiraient encore bien moins à une femme — feint d'être le fils de Ninus au lieu de son épouse, et que l'enfant soit une femme. 2 En effet, ils étaient tous deux de taille moyenne, ils avaient la voix également douce, et le dessin des traits du visage était semblable chez la mère et le fils. 3 Donc, elle couvre de voiles ses bras et ses jambes, se coiffe d'une tiare, et pour ne pas avoir l'air de cacher quelque chose sous une nouvelle tenue, elle ordonne à la population aussi de revêtir le même costume, et depuis, le peuple tout entier conserve cette manière de se vêtir. 4 De cette façon, ayant dès le début déguisé son sexe, elle fut prise pour le garçon.

5 Elle fit ensuite de grandes choses : quand elle pense avoir triomphé de l'hostilité grâce à leur ampleur, elle avoue qui elle est ou, si l'on préfère, qui elle avait feint d'être. 6 Et cela ne lui fit pas perdre la dignité royale, au contraire, cela augmenta l'admiration, du fait qu'une dame l'emportait en courage, non seulement sur les femmes, mais encore sur les hommes. 7 Elle fonda Babylone et entoura la ville d'un mur de briques cuites : entre les lits de briques, à la place de sable, il y avait du bitume, une matière qui, dans ces régions, sort par endroits de terre en bouillonnant. 8 On rapporte à cette même reine bien d'autres actions remarquables, puisque, ne se contentant pas de défendre les limites du royaume acquises par son époux, elle ajouta également l'Éthiopie11 à son empire12 ; 9 par ailleurs, elle fit la guerre même aux Indiens, que personne n'envahit, excepté cette reine et Alexandre le Grand13.

10 À la fin, alors qu'elle avait recherché une union avec son fils, elle fut assassinée par lui14 ; elle avait été maîtresse du pouvoir royal pendant quarante-deux ans après Ninus.

Les rois Assyriens 11 Son fils Ninyas, satisfait de l'empire bâti par ses père et mère, renonça aux passions guerrières et, comme s'il avait changé de sexe avec sa mère, vieillit au milieu d'une foule de femmes, en se laissant rarement voir par les hommes. 12 Ses descendants, également, ayant suivi cet exemple, donnaient leurs réponses aux peuples par l'intermédiaire de messagers. 13 Les Assyriens, qui furent appelés Syriens15 par la suite, se maintinrent au pou­voir pendant mille trois cents ans16.

Sardanapale
3,1 Le dernier à régner chez les Assyriens fut Sardanapale17, un homme plus déliquescent qu'une femme. 2 Alors que son préfet, nommé Arbacte18, qui gouvernait les Mèdes19, avait, après beaucoup de démarches, obtenu à grand peine de le voir — ce qui n'avait jamais été permis à personne avant lui —, il le découvrit au milieu de troupes d'odalisques, en train de filer des fils de pourpre avec une quenouille20 et partageant les écheveaux entre les jeunes filles : dans une tenue féminine, il éclipsait toutes les femmes par son corps délié et ses regards mutins. 3 Après avoir vu cela, indigné que tant d'hommes fussent soumis à une telle femme et que des gens qui avaient des armes de fer obéissent à une fileuse de laine, Arbacte partit rejoindre ses compagnons : il raconte ce qu'il a vu ; il dit qu'il ne peut obéir à celui qui préfère être une femme plutôt qu'un homme.

4 Il se fait donc une conjuration : la guerre est déclarée à Sardanapale ; l'ayant appris, ce dernier ne se dispose pas à défendre son royaume comme un homme, mais, comme les femmes en ont l'habitude dans leur peur de la mort, il cherche d'abord autour de lui des cachettes, puis, peu après, il part pour la guerre avec une petite troupe mal équipée. 5 Vaincu, il se replia dans le palais. Là, ayant construit un bûcher funéraire et y ayant mis le feu, il se jette dans le brasier avec ses richesses ; en cela seulement il eut l'air d'un homme. 6 Après lui, son meurtrier Arbacte, qui avait été préfet des Mèdes, est établi comme roi ; il fait passer le pouvoir des Assyriens aux Mèdes.

Le songe d'Astyage
4,1 Ensuite, après beaucoup de rois, le pouvoir royal passa à Astyage21 selon l'ordre successoral. 2 Dans son sommeil, il vit pousser hors du sexe de sa fille unique une vigne dont les sarments couvraient toute l'Asie de leur ombre. 3 Les devins interrogés répondirent qu'il aurait de cette même fille un petit-fils, dont la grandeur était annoncée à l'avance, et que la perte de son royaume lui était prédite. 4 Épouvanté par cet oracle, il ne donna sa fille en mariage, ni à un homme illustre, ni à un concitoyen, de peur qu'une noblesse paternelle et maternelle n'exaltât le cœur de son petit-fils : au contraire, il la maria à un homme modeste, Cambyse, issu du peuple perse obscur à l'époque ; 5 et pourtant, même ainsi, la peur née du songe ne le quittait pas : il fit venir sa fille enceinte chez lui afin que le nouveau-né fût tué, de préférence sous les yeux de son grand-père22.

L'exposition de Cyrus 6 Une fois né, le bébé est donné pour être tué à Harpage, ami du roi et associé à ses secrets. 7 Celui-ci, dans la crainte que, si après la mort du roi le pouvoir venait à sa fille du fait qu'Astyage n'avait engendré aucun enfant mâle, celle-ci ne se venge de l'assassinat de l'enfant sur le ministre puisqu'elle n'avait pu le faire sur son père, remet l'enfant au berger du troupeau royal pour qu'il soit exposé. 8 Il se trouva qu'à la même époque, un fils était né aussi au berger lui-même. 9 Or sa femme, ayant entendu parler de l'exposition du bébé royal, demande avec d'instantes prières qu'on lui apporte et qu'on lui montre l'enfant. 10 Lassé par ses prières, le berger, étant retourné dans la forêt, trouve auprès du bébé une chienne qui lui offrait ses mamelles et qui le défendait des bêtes sauvages et des oiseaux. 11 Ému lui-même aussi par la pitié dont il avait vu émue même une chienne, il emporte l'enfant à la bergerie, la chienne suivant craintivement. 12 Quand la femme le prit dans ses bras, il lui sourit comme s'il la reconnaissait et il y avait tant de force en lui et le rire du charmant enfant apparut si doux que la femme demanda spontanément au berger d'exposer son nouveau-né à la place de celui-ci et de lui permettre de nourrir l'enfant, soit pour la fortune de celui-ci, soit pour l'espoir de sa fortune à elle23. 13 Après que les destins des petits eurent ainsi été échangés, l'un fut élevé à la place du fils du berger, l'autre fut exposé à la place du petit-fils du roi. 14 Par la suite, la nourrice fut nommée Spargos24, car tel est le nom de la chienne chez les Perses.

L'enfance de Cyrus
5,1 Ensuite, comme l'enfant se montrait porté à commander parmi les bergers, il reçut le nom de Cyrus25. 2 Puis, alors que, roi choisi par le sort parmi des joueurs, il avait frappé de verges des récalcitrants qui le narguaient, plainte fut portée devant le roi par les parents des enfants, indignés de ce que des personnes de naissance libre eussent été fouettées comme des esclaves par un esclave du roi. 3 Astyage fit venir l'enfant qui, interrogé, répondit, sans rien changer à son expression, qu'il avait agi en roi ; étonné de sa fermeté, il se remet alors en mémoire son rêve et l'oracle. 4 Et puis, étant donné que la ressemblance du visage, l'époque de l'exposition et l'aveu du berger concordaient, il reconnut son petit-fils, 5 et puisqu'il lui semblait avoir effacé son rêve dans la mesure où une royauté avait été exercée parmi les bergers, il adoucit son esprit menaçant, au moins envers l'enfant. 6 Par ailleurs, ayant pris en haine son ami Harpage, il tua son fils et le lui servit dans un banquet26, pour se venger du fait qu'il avait épargné son petit-fils. 7 Or Harpage, ayant caché sa douleur pour le moment présent, différa sa haine du roi jusqu'à une occasion de vengeance.

Le message d'Harpage 8 Ensuite, du temps s'étant passé27, alors que Cyrus avait grandi, stimulé par la douleur de la perte qu'il avait subie, il (Harpage) écrit à Cyrus comment il avait été banni chez les Perses par son grand-père28, comment son grand-père avait ordonné que, tout-petit, il soit tué, comment il avait été sauvé grâce à lui, comment lui-même avait offensé le roi, comment il avait perdu son fils. 9 Il l'engage à lever une armée et à s'engager sur la voie qui le mènerait vers le trône : il lui promettait la défection des Mèdes. 10 Parce que la lettre ne pouvait être portée ouvertement, dans la mesure où les gardes du roi étaient postés à toutes les issues, elle est introduite dans un lièvre éviscéré et le lièvre est remis à un esclave digne de confiance pour être porté à Cyrus chez les Perses ; on y ajoute des filets, afin de cacher la tromperie sous un déguisement de chasseur29.

La guerre entre Cyrus et Astyage
6,1 Après avoir pris connaissance des missives30, Cyrus reçut en songe l'ordre de s'engager dans la même opération et il fut averti de prendre comme associé dans ses entreprises la première personne qu'il rencontrerait le lendemain. 2 Donc, au point du jour, ayant pris un chemin dans la campagne, il rencontra un esclave de l'ergastule d'un Mède, nommé Sybarès31 : 3 quand, après lui avoir demandé son origine, il apprit qu'il était né chez les Perses, il lui fit ôter ses entraves, et, l'ayant pris pour compagnon, il rentre à Persépolis. 4 Là, après avoir convoqué la population, il ordonne que tous prennent la hache à la main et coupent la forêt qui bordait la route32. 5 Comme ils l'avaient fait avec diligence, il les invite le lendemain à un festin d'apparat ; 6 puis, comme il les voyait rendus plus alertes par ce même banquet, il demande : si la question se pose, laquelle des deux manières de vivre choisissent-ils, le labeur de la veille, ou bien le festin d'à présent ? Quand tous eurent clamé " à présent", il dit qu'ils allaient passer toute une vie semblable au labeur de la veille tant qu'ils obéiraient aux Mèdes ; s'ils le suivaient, leur vie serait semblable au festin d'aujourd'hui33. 7 À la joie de tous, il engage la guerre contre les Mèdes. 8 Astyage, qui avait oublié sa conduite envers Harpage, lui remet le haut commandement, 9 et ce dernier, en opérant sa reddition, livre aussitôt à Cyrus l'armée qu'il avait reçue et il se venge de la cruauté du roi par la perfidie de sa désertion. 10 Quand Astyage l'eut appris, ayant rassemblé de toute part des troupes auxiliaires34, il part lui-même contre les Perses et, ayant repris le combat avec plus d'ardeur, il place une partie de son armée dans le dos de ses combattants, et ordonne de pousser à l'épée les hésitants contre les ennemis 11 et, de plus, il avertit les siens que s'ils ne remportent pas la victoire, ils trouveront dans leur dos des hommes non moins forts que ceux qu'ils ont en face d'eux : qu'ils voient donc si cette ligne de bataille-ci doit être rompue par des fuyards, ou celle-là par des combattants. 12 Du fait de l'obligation de se battre, un courage immense vint à son armée, 13 et, alors que la ligne de bataille des Perses, ébranlée, pliait peu à peu, les mères et les épouses de ces derniers accourent à leur rencontre : 14 elles les supplient de retourner au combat ; troussant leurs robes, elles montrent les parties intimes de leur corps à ceux qui hésitent, en leur demandant s'ils veulent se réfugier dans le ventre de leur mère ou de leur femme. 15 Arrêtés par ce blâme, ils reviennent au combat et ayant attaqué, ils obligent à fuir ceux qu'ils fuyaient. 16 Au cours de ce combat35, Astyage est fait prisonnier : Cyrus ne lui ôta rien d'autre que le pouvoir royal — et, en cela, il agit davantage en petit-fils qu'en vainqueur — et le mit à la tête du très grand peuple des Hyrcaniens, car Astyage lui-même ne voulut pas retourner chez les Mèdes36 17 Ce fut la fin de l'empire des Mèdes : ils régnèrent trois cent cinquante ans37.

Le règne de Cyrus
7,1 Au début de son règne38, Cyrus avait eu comme compagnon dans toutes ses entreprises, Sybarès, l'associé de ses projets, qu'il avait libéré de l'ergastule à la suite de sa vision nocturne ; il le mit à la tête des Perses et lui donna sa sœur en mariage. 2 Cependant, les cités qui avaient été tributaires des Mèdes, pensant que leur condition aussi avait été changée par le changement de pouvoir, se détachèrent de Cyrus : cette défection fut la cause et l'origine de bien des guerres pour Cyrus.

Crésus et les Lydiens 3 Ensuite, comme, après la soumission de la plupart d'entre elles, Cyrus faisait la guerre contre les Babyloniens, le roi des Lydiens Crésus39, dont les ressources et les richesses étaient immenses en ce temps-là, vint au secours des Babyloniens ; et vaincu, inquiet désormais pour lui-même, il s'enfuit dans son royaume. 4 Quant à Cyrus, une fois mises en ordre les affaires en Babylonie après sa victoire, il transfère la guerre en Lydie40. 5 Là, il met en déroute sans aucune peine l'armée de Crésus, déjà ébranlée par la fortune du précédent combat ; Crésus lui-même est fait prisonnier. 6 Cependant la victoire fut d'autant plus tempérée que la guerre avait été moins dangereuse. 7 Crésus se vit accorder la vie41, des fractions de son patrimoine et la ville de Béroé où il vivait d'une vie, sinon royale, du moins proche de la majesté royale. 8 Cette clémence ne fut pas moins profitable au vainqueur qu'au vaincu, 9 puisque quand on sut que la guerre avait été déclarée à Crésus, des troupes auxiliaires affluaient depuis toute la Grèce, comme pour éteindre un incendie qui concernait chacun, 10 si grand était l'amour pour Crésus dans toutes les villes, et Cyrus aurait eu à subir une guerre difficile de la part de la Grèce, s'il avait décidé quelque chose de trop cruel à propos de Crésus. 11 Ensuite, du temps s'étant passé, les Lydiens se révoltèrent pendant que Cyrus était absorbé par d'autres guerres : 12 une fois qu'ils eurent été de nouveau vaincus, ils furent privés de leurs armes et de leurs chevaux et enjoints de tenir des auberges, de pratiquer les métiers du spectacle et la prostitution42. 13 C'est de cette façon qu'un peuple jadis industrieux et énergique, énervé par la mollesse et la débauche, perdit son antique vertu, et ceux que les guerres, avant Cyrus, avaient montrés invaincus, le loisir et la paresse triomphèrent d'eux quand ils glissèrent dans la luxure.

Histoire de Gygès 14 Avant Crésus, les Lydiens eurent beaucoup de rois dignes de mémoire pour divers coups du sort, aucun cependant n'eut une destinée comparable à celle de Candaule. 15 Ce roi avait l'habitude de vanter à tous son épouse qu'il aimait à en mourir à cause de la beauté de son apparence, insatisfait de la connaissance muette de ses plaisirs s'il ne rendait pas publics même les secrets de son mariage, 16 comme si, à coup sûr, le silence portait tort à la beauté. 17 À la fin, pour donner la preuve de son affirmation, il la montra nue à son compagnon Gygès. 18 De ce fait, il se fit un ennemi de son ami, tenté par l'adultère, et, d'autre part, il s'aliéna son épouse comme s'il avait livré son amour à un autre. 19 En peu de temps, en effet, le meurtre de Candaule fut le prix des noces et l'épouse, dotée par le sang de son mari, livra le pouvoir royal à l'homme, en même temps qu'elle se livrait elle-même, à l'amant43.

Cyrus et la reine Tamyris
8,1 Après avoir réduit l'Asie et soumis à son pouvoir l'ensemble de l'Orient, Cyrus porte la guerre contre les Scythes. 2 À cette époque, la reine des Scythes était Tamyris qui ne fut pas terrifiée à la façon des femmes par l'approche des ennemis : alors qu'elle pouvait leur interdire la traversée de l'Araxe, elle leur permit de traverser, ayant calculé que, d'une part, la lutte serait plus facile à l'intérieur des frontières de son royaume, et que, d'autre part, la fuite serait plus difficile pour les ennemis à cause de l'obstacle du fleuve. 3 Ainsi, après avoir fait traverser ses troupes, Cyrus établit son camp quand il eut avancé en Scythie pendant quelque temps. 4 Puis, le lendemain, ayant feint la peur, comme si, battant en retraite, il avait abandonné son camp, il laisse abondance de vin et ce qui était nécessaire à un festin. 5 Alors que cela avait été annoncé à la reine, elle envoie à la poursuite de Cyrus son fils, un adolescent, avec le tiers de ses troupes. 6 Alors qu'on était arrivé au camp de Cyrus, l'adolescent, ignorant de l'art militaire, comme s'il était venu au festin, non pas au combat, ayant oublié les ennemis, laisse les barbares qui n'étaient pas habitués au vin s'alourdir de boisson, 7 et les Scythes sont vaincus par l'ivresse avant de l'être à la guerre. 8 En effet, quand il en eut connaissance, Cyrus, étant revenu au cours de la nuit, surprend les Scythes hébétés, et il les tua tous, avec le fils de la reine44. 9 Ayant perdu une si grande armée, et aussi son fils unique, ce dont elle se désolait bien davantage, Tamyris ne s'épancha pas en larmes sur la douleur de sa perte : au contraire, elle ambitionna les consolations de la vengeance et elle enveloppa d'embuscades également traîtresses ses ennemis qui étaient dans l'exultation de leur récente victoire ; 10 de fait, ayant feint d'avoir perdu confiance à cause de la blessure qu'elle avait reçue, en battant en retraite elle attira Cyrus jusqu'à des défilés. 11 Là, au moyen d'embuscades disposées dans les montagnes, elle massacra deux cent mille Perses avec le roi lui-même. 12 Cette victoire eut encore ceci de mémorable : il ne survécut même pas un messager pour annoncer un si grand désastre. 13 La reine ordonne que la tête tranchée de Cyrus soit jetée dans une outre remplie de sang humain ; avec ce cri de reproche pour sa cruauté, elle dit : "bois à satiété le sang dont tu étais assoiffé et dont tu as toujours été insatiable !"45

14 Cyrus régna trente ans46, il ne fut pas seulement étonnamment remarquable par le début de son règne, mais aussi par la réussite qui l'accompagna tout ce temps47.

Cambyse
9,1 Il eut pour successeur son fils Cambyse48 qui ajouta l'Égypte à l'empire de son père49 ; 2 cependant, choqué par les pratiques religieuses des Égyptiens, il ordonne de détruire les sanctuaires d'Apis50 et des autres dieux ; 3 il envoie aussi une armée s'emparer du très célèbre temple d'Ammon : elle disparut, anéantie par les tempêtes sous des masses de sable51. 4 Après cela, il vit pendant son sommeil que son frère Mergis allait régner, 5 et, terrifié par ce songe, il n'hésita pas à commettre aussi un fratricide, après des sacrilèges. 6 Il était en effet difficile que celui qui, par mépris de la religion, avait attaqué même les dieux, épargnât les siens. 7 Pour remplir un office si cruel, il choisit un mage de ses amis, nommé Cométès. 8 Entre temps, il mourut lui-même, blessé à l'aine par son propre glaive, qui était sorti seul de son fourreau, et subit le châtiment, soit du fratricide qu'il avait ordonné, soit du sacrilège qu'il avait accompli52.

L'usurpation des mages 9 Après avoir reçu la nouvelle de la mort du roi, et avant qu'elle ne se répandît, le mage accomplit son forfait et, une fois assassiné Mergis à qui devait revenir le trône, il lui substitua son propre frère Oropasta. 10 Il était en effet tout à fait semblable et par les traits du visage et par les formes du corps, et, sans que personne soupçonne une fraude, le roi Oropasta est établi à la place de Mergis ; 11 et la chose fut d'autant mieux cachée que, chez les Perses, la personne du roi est cachée, sous le prétexte de sa majesté. 12 Donc, pour se concilier la faveur du peuple, les mages remettent pour trois ans les tributs et l'obligation militaire, 13 afin d'affermir par des profusions de complaisance le royaume qu'ils s'étaient procuré par fraude.

14 L'affaire parut suspecte, en premier, à Hostanès, un homme noble et, en l'occurrence, extrêmement subtil. 15 Donc, par l'intermédiaire de messagers, il cherche à apprendre de sa fille, qui faisait partie des concubines royales, si le roi était le fils de Cyrus. 16 Celle-ci dit qu'elle ne le sait pas elle-même, et qu'elle ne peut en avoir connaissance par une autre, car elles sont recluses chacune à part des autres. 17 Alors, il lui ordonne de palper la tête du roi pendant qu'il dort : en effet, Cambyse avait fait couper les deux oreilles au mage. 18 Puis, assuré par sa fille que le roi n'avait pas d'oreilles, il dénonce le fait aux plus nobles des Perses et lie par la foi du serment ceux qu'il a déterminés à l'assassinat du faux roi53. 19 Ils furent seulement sept54 à être au courant de cette conjuration et, dans l'instant, de peur que quiconque, ayant eu le temps de se repentir, ne parle de l'entreprise, ils gagnent le palais royal, une épée cachée sous leur tunique. 20 Après y avoir tué ceux qu'ils rencontraient, ils arrivent jusqu'aux mages, auxquels le courage ne manqua pourtant pas pour se porter secours à eux-mêmes, 21 puisque, brandissant leurs épées, ils tuent deux des conjurés55. 22 Ils sont cependant saisis eux-mêmes par les conjurés plus nombreux : parmi ces derniers, Gobryas, tenant ferme par le milieu du corps l'un des deux mages, tandis que ses amis hésitaient de peur de le transpercer lui-même à la place du mage parce que la lutte avait lieu dans un local sans lumière, ordonna de frapper de l'épée le mage, même à travers son propre corps. 23 Mais, la Fortune en ayant décidé ainsi, le mage est tué tandis que Gobryas est sain et sauf.

Le choix de Darius
10,1 Après l'assassinat des mages, grande, certes, fut la gloire des princes pour avoir repris le trône, mais bien plus grande encore en cela qu'ils purent se mettre d'accord, alors qu'ils briguaient le trône56. 2 Ils étaient en effet tellement semblables en valeur et en noblesse que cette égalité rendait le choix entre eux difficile pour le peuple. 3 C'est pourquoi, ils découvrirent eux-mêmes un procédé par lequel ils remettraient à la religion et à la fortune le soin de trancher à leur sujet, 4 et ils convinrent entre eux que, au jour dit, tous conduiraient leurs chevaux au petit matin devant le palais royal, et que serait roi celui dont le cheval pousserait le premier un hennissement au lever du soleil. 5 En effet, les Perses croient que le soleil est le dieu unique et racontent que les chevaux lui sont consacrés. 6 Et il y avait parmi les conjurés Darius, fils d'Hystaspe, auquel son écuyer, le voyant troublé par le désir de régner, dit que si la victoire ne tenait qu'à cela, il n'y avait aucun souci à se faire. 7 Ensuite, à la faveur de la nuit, la veille du jour fixé, il conduit le cheval à l'endroit précis et là, le met en présence d'une jument, calculant qu'il arriverait, en conséquence des plaisirs de l'amour, ce qui arriva effectivement. 8 Et ainsi, le lendemain, alors que tous arrivaient ensemble à l'heure fixée, le cheval de Darius, ayant reconnu l'endroit et impatient de retrouver sa compagne, poussa aussitôt un hennissement, et tandis que les autres chevaux musardaient, il fut le premier à émettre un heureux auspice pour son maître. 9 Les autres princes firent preuve de tant de modération qu'après avoir entendu l'auspice, ils sautèrent aussitôt à bas de leurs chevaux et proclamèrent Darius roi57. 10 Pour sa part, le peuple dans son ensemble, ayant suivi l'arbitrage des princes, le fit roi.

11 Ainsi le royaume des Perses, recherché par la valeur de sept hommes très nobles fut déféré à un seul par un événement aussi insignifiant. 12 Il est tout à fait incroyable que ceux qui n'auraient pas refusé de mourir pour arracher la royauté aux mages se soient inclinés avec tant d'abnégation. 13 D'ailleurs, outre sa beauté et sa valeur qui étaient dignes de ce pouvoir, il y avait aussi des liens de parenté entre Darius et les rois d'antan. 14 Au reste, au début de son règne, il reçut la fille de Cyrus en mariage58, désirant affermir son règne par des épousailles royales, afin que le pouvoir royal ne semble pas tant être passé à une famille étrangère que revenu dans la famille de Cyrus.

Histoire de Zopyrus 15 Ensuite, du temps s'étant passé, comme les Assyriens avaient fait sécession et avaient occupé Babylone59, et que prendre d'assaut la ville était difficile, devant l'exaspération du roi, un des meurtriers des mages, Zopyrus60, se fait dans sa maison lacérer tout le corps de coups de fouet et couper le nez, les oreilles et les lèvres, et ainsi, il se présente au roi, pris au dépourvu. 16 Darius, stupéfait, s'enquiert des motifs et de l'auteur de blessures si hideuses : en secret, Zopyrus lui révèle dans quel dessein il avait agi et un projet ayant été mis au point pour l'avenir, il part pour Babylone à titre de transfuge. 17 Là, il montre au peuple son corps déchiré, se plaint de la cruauté du roi par lequel, dans la compétition pour le pouvoir, il a été surpassé non pour sa valeur, mais par un auspice, non par l'arbitrage des hommes mais par le hennissement d'un cheval ; 18 il les engage à inférer de l'exemple des amis du roi ce qui peut être redouté par ses ennemis ; 19 il leur conseille de ne pas se fier aux remparts plus qu'aux armes, et de souffrir qu'il fasse une guerre commune avec sa colère toute récente. 20 La noblesse du héros était aussi connue de tous que sa valeur, et ils n'avaient pas de crainte sur sa loyauté dont ils avaient comme gages les blessures de son corps et les marques du tort à lui causé. 21 Il devient donc général avec le suffrage de tous et, avec une petite troupe, il livre une ou deux fois des combats heureux, les Perses cédant le terrain selon le plan établi. 22 Mais, en dernier lieu, il livre à Darius toute l'armée qui s'était fiée à lui et soumet au pouvoir du roi la ville elle-même.

23 Après cela, Darius fit contre les Scythes une guerre qui sera racontée dans le volume suivant.


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1 Les nationes sont des subdivisions des gentes, cf.
Cicéron, Off. 53 : Gradus autem plures sunt societatis hominum. Vt enim ab illa infinita discedatur, proprior est eiusdem gentis, nationis, linguae qua maxime homines coniunguntur ; interius etiam est eiusdem ciuitatis.

2 Le populus, que je traduis ici par "population" pour éviter la confusion avec les gentes (peuples) du § précédent, représente pour les Anciens (dh=mos pour les Grecs) l'ensemble des citoyens d'une cité considérée comme telle, qui ont choisi de vivre ensemble dans une société réglée par des usages et des lois préalablement acceptés.

3 Cf. le mythe de l'âge d'or et, pour les Romains, celui du règne de Saturne : un topos développé par les poètes depuis Hésiode et les philosophes depuis Platon.

4 Le roi Ninus est une création de l'historiographie grecque : il apparaît dans nos sources à partir des Persica de Ctésias, source de Diodore. Son nom a été sans doute tiré de celui de la ville assyrienne de Ninua (Ninive), dont il passait pour l'éponyme. Roi fondateur, il est lié aux mythes sur l'origine de la royauté, en particulier celui qui fait de son père Belus, fils de Jupiter, le père des trois souverains qui se partagèrent le monde : Ninus pour l'Asie, Égyptos, le roi d'Égypte, Danaos, le roi d'Europe. La tradition venue de Ctésias s'est mêlée à d'autres éléments attribués à Castor de Rhodes, source de Varron, et enrichie par strates successives. Le personnage de Belus est contaminé également par le souvenir du grand dieu sémitique Baal. Voir par exemple le traitement des deux personnages chez les abréviateurs et compilateurs (Ampelius, 11,1-3, et les notes de mon édition de la CUF, Orose, Hist. I, 1,1.5.6 ; 4,1-3 ; II, 2,1.3-5 ; 3,1 ; 6,7 ; VII,2,13-14, et les notes de mon édition de la CUF), et chez Augustin, C.D.,
IV,6 ; XVI,17.

5 Le nom de ce roi mythique semble être une déformation de Sesostris / Se/swstris = Sethos Ier ou Senosret III, pharaons de la XIIème dynastie (cf.
Hérodote 2,102-111).

6 On rapproche le nom du roi mythique Tanaos de celui du fleuve Tanais (= le Don, pour son cours inférieur, imaginaire pour son tracé supérieur et sa source) qui marque une frontière entre l'Europe et l'Asie. Il serait identifiable aussi au troisième fils de Belus (
supra, n. 4).

7 Voir le récit de leur affrontement,
infra, 2,3,8-14.

8 Cf. Diodore 2,6,2 ou le roi se nomme Oxyartès. Trogue Pompée opère une confusion entre ce roi et le réformateur religieux perse, originaire du nord-est de l'Iran, qui aurait vécu, selon les sources parsis, de 660 à 583 a.C.

9 Justin écrit plus loin que la reine était originaire de Damas (
infra 36,2,1). La légende complète se trouve dans Diodore 2,4,1sq., reprise des Persica de Ctésias : exposée, nourrie par des colombes, découverte par le berger Simias, épousée par le gouverneur de Syrie Oannès et emmenée en expédition en Bactriane, elle séduit le roi Ninus qui l'enlève à son mari et l'épouse.
     La figure légendaire de Sémiramis tire sans doute son origine de la reine historique Shammu-Ramat, épouse du roi d'Assyrie Shamshi-Adad V qui fut régente pendant la minorité de son fils Adad-Nirari III (823-810 a.C.)

10  Le verbe pareo, à la forme parituris sert pour les deux membres de phrase : la bonne leçon est celle des mss de la classe I (moins G qui corrige) ; les autres leçons résultent de corrections ou d'omissions.

11 C'est à dire l'Afrique, nommée plus haut Libye : ce changement de vocabulaire est peut-être l'indication d'un changement de source.

12 Autres conquêtes dans Diodore 2,13,1-14,4.

13 Cf.
infra  12,7,4-9,13. Sémiramis aurait pénétré jusqu'à l'Indus, où elle se serait heurtée au roi Stratobatès et à ses éléphants de guerre.

14 Autre version chez Diodore (2,20,1-2) : après avoir remis l'empire à son fils, elle se transforme en colombe et disparaît.

15 La confusion de nom est habituelle chez les Romains : cf. Cicéron qui appelle Sardanapale Syriae regem  (
Tusc. 5,101).

16 La même durée chez Diodore, 2,28,2 (source : Ctésias) ; 520 ans seulement pour Hérodote (
1,95). Eusèbe de Césarée, qui suit la tradition de Castor de Rhodes, donne une liste (imaginaire) des trente-six rois d'Assyrie jusqu'au dernier : Thonos Concoleros qui uocatur graece Sardanapalus ; la dynastie avait duré, selon lui, 1240 ans depuis le début du règne de Ninus.

17 C'est à partir de l'histoire du roi Assurbanipal (668-627) et de son frère Shamash-Shuma-Ukin, qui se suicide par le feu en 648 à Babylone, que l'historiographie grecque a imaginé le mythe de Sardanapale dont le premier développement est dû sans doute à Ctésias. Hérodote (
2,150) se borne à faire allusion aux grandes richesses du roi de Ninive Sardanapale, gardées dans des souterrains.

18 Arbactus dans les mss de Justin, Arbaces dans le prologue (arbacem à l'acc.) ; le copiste du ms. Ambrosianus L82 sup. (XIVe s.) le remarque et écrit Arbaces dans le prologue, mais note en marge al' alio nomine arbactum. (cf. Orose, Hist. 2,2,2, Arbatus quem alii Arbacen uocant). Le personnage est appelé Belesys par Diodore, pour qui il s'agit d'un général chaldéen.

19 Les Mèdes font partie avec les Perses, les Cimmériens et les Scythes d'un ensemble de tribus formant la branche occidentale des Irano-Ariens. Perses et Mèdes étaient au IXe s. a.C. riverains du lac d'Ourmia au nord-ouest du plateau iranien Le roi d'Assyrie Salmanazar III s'empare en 843 a.C. du pays des Perses, et pénètre chez les Mèdes une dizaine d'années plus tard. À la fin du VIIIe s., le roi Sargon II crée deux provinces assyriennes en Médie occidentale. Ensuite, comme le dit Hérodote (
1,95) : l’amour de la liberté les rendit excellents guerriers. Ils combattirent avec succès contre les Assyriens, repoussèrent la servitude et devinrent libres. À la fin du VIIème s. les Mèdes sont les alliés des Babyloniens contre les Assyriens : ils s’emparent d’Assur en 614 a.C.) puis de Ninive en 612 a.C.

20 On peut comprendre aussi : passant des coquillages au tamis. Les purpurae sont des escargots marins (murex brandaris) dont on extrait la pourpre (colorant du groupe des dibromo-indigotines), par extension les fils teints ?

21 La théorie de la succession linéaire des empires : Assyriens —> Mèdes —> Perses, rend impossible l'établissement d'une chronologie (cf.
infra 1,6,17). Astyage (584-550 a.C.) est le successeur direct du roi mède Cyaxare (625-585 a.C.) dont la coalition avec le roi néo-babylonien Nabopolassar (625-606 a.C.) amena la chute de Ninive et la fin de l'empire néo-assyrien (612 a.C.).

22 Deux songes chez Hérodote (
1,107-8) se rapportent à la fille d'Astyage, Mandane. C'est après un premier songe, qui n'est pas rapporté ici, qu'Harpage prit la décision de marier sa fille au perse Cambyse ; ce Cambyse était le fils du roi d'Anzan, Cyrus, et il est douteux qu'il ait été marié à une fille d'Astyage. Après un second songe, celui de la vigne, Astyage fit venir chez lui sa fille, enceinte, mariée depuis un an. Justin a pu résumer Trogue Pompée, mais il est plus probable que Trogue Pompée n'ait pas utilisé directement Hérodote : sa source (Éphore ?) semble être ici une contraction et une dramatisation d'Hérodote (cf. la note 23 infra.).

23 Dans le récit d'Hérodote (
1,107-113), la femme du bouvier Mithradatès a accouché d'un enfant mort-né, ce qui explique de façon humaine ses réactions, l'enfant royal n'est ni exposé, ni nourri par une chienne, et Hérodote, qui connaît cette légende, en donne une explication rationaliste (1,122). À propos des enfants royaux exposés et nourris par des animaux, cf. infra  44,4,12. On trouve des versions différentes de l'histoire de Cyrus dans Xénophon (Cyr. 1,2-4) et Ctésias (FGH, 90 F 66,3).

24 Tel est le nom de la femme du berger dans les mss de Justin, sauf ceux de la classe i qui écrivent spacos, sans doute par contamination avec Hérodote (
1,111) : le nom de la femme avec qui il vivait était Kuno (Kunw/) en grec, Spako (Spakw/) en mède ; les Mèdes appellent en effet la chienne "spaka" .

25 Fausse étymologie, née du rapprochent entre le nom propre Ku/ros et l'appellatif ku/rios (le maître, le souverain). En fait, Cyrus portait le nom de son grand-père paternel.

26 Cf. pour les détails du banquet monstrueux
Hérodote, 1,119. On retrouve des légendes semblables d'homophagie dans le cas du banquet d'Atrée et de Thyeste et l'histoire de Procnè et Philomèle. Un exemple historique chez les Ptolémées est cité par Justin (infra 38,8,13).

27 Justin a fait une coupure correspondant à la fin de l'enfance de Cyrus et à son départ chez les Perses, et une contraction de texte, d'où l'incohérence de la phrase.

28 Incohérence de Justin : Cyrus était assez grand au moment où il avait été relégué en Perse chez son père et sa mère pour s'en souvenir.

29 Pour supporter sans pourrir tout ce chemin, le lièvre dut être habilement naturalisé ; Hérodote (
1,123) est plus précis : Lago\n mhxanhsa/menos kai\ a)nasxi/sas tou/tou th\n gaste/ra kai\ ou)de\n a)poti/las...

30 Dans le § précédent (
5,10), Justin parlait d'une lettre : epistula, au singulier ; il emploie maintenant le pluriel : epistulae ; si la source de Trogue Pompée suit le récit d'Hérodote, il ne s'agit pas de plusieurs lettres, mais de l'ensemble constitué par la lettre d'Harpage et le message oral confié à son esclave (cf. Hérodote 1,123-124), dont Trogue Pompée parlait sans doute, mais que Justin ne mentionne pas ; si la source de Trogue Pompée présentait des variantes avec le récit d'Hérodote, il s'agirait de plusieurs lettres, celle d'Harpage et d'autres, qui pourraient avoir été écrites par des notables mèdes, en accord avec Harpage.

31 Corruption du nom du personnage, appelé Oi)ba/rhs (cf.
Hérodote, 3,85 et Eschyle, Perses, 984).

32 Il s'agit, chez Hérodote (
1,125-6), de champs de chardons, que les Perses coupent à la faux.

33 Cf.
Hérodote 1,126.

34 Hérodote (
1,128) se borne à dire qu'Astyage regroupa ce qui restait de Mèdes dans la ville, jeunes gens et vieillards, les emmena au combat et fut vaincu. Les deux anecdotes viennent d'une autre source. Le stratagème de l'armée prise entre deux dangers pour l'obliger à combattre est attribué par Frontin (Str. 2,8,14) à Philippe de Macédoine, au cours d'une campagne contre les Scythes.  

35 Les combats de Cyrus contre les Mèdes durèrent en fait de 553 à 550 et la lutte fut très dure.

36 Hérodote (
1,130) dit que Cyrus garda Astyage auprès de lui jusqu'à sa mort sans lui faire de mal.

37 On a vu que Justin avait fait commencer l'empire mède à la chute de l'empire néo-assyrien (612 a.C. de notre chronologie); de cette date jusqu'à la victoire sur les Mèdes de Cyrus II le Grand (c.550 a.C.) il n'y a qu'un peu plus de soixante ans.

38 Le règne de Cyrus, roi d'Anzan, commence en 559 a.C., bien avant sa lutte contre les Mèdes.

39 Crésus (560-546), dernier souverain de la dynastie des Mermnades, fondée par le semi-légendaire Gygès (cf.
infra, 1,7,17), avait conclu une alliance avec le pharaon Amasis et le souverain néo-babylonien Nabonide. Il envahit la Cappadoce, après avoir consulté l'oracle de Delphes.

40 En réalité, la prise de Sardes (547 a.C.) est antérieure à la prise de Babylone (539 a.C.). Le silence du prologue sur la prise de Babylone par Cyrus ne signifie pas obligatoirement que Trogue Pompée n'en parlait pas, mais il est possible que Justin ait procéder à une insertion personnelle.

41 Selon une autre tradition, Cyrus ordonna que Crésus fût brûlé vif sur un bûcher; pour certains il fut sauvé par l'intervention d'Apollon (cf.
Hérodote 1,87). Diodore (2,44) dit qu'il fut pris au combat et crucifié.

42 Sur la coutume lydienne de la prostitution des jeunes filles, cf.
Hérodote, 1,93-94.

43 De la digression de Trogue Pompée sur la localisation et l'histoire primitive des villes d'Éolide et d'Ionie, des Lydiens et des Étrusques, Justin n'a conservé que l'histoire de Gygès, qu'il a peut-être déplacée. L'anecdote est un résumé maladroit du récit d'
Hérodote 1,7-12 (cf. G. Egelhaaf, Der Sturz...., p.122 sq.) Deux autres versions dans Platon, Rép. II, 359D-360B. et Nicolas de Damas (FGH 90 F 44 sq., II, p. 348 sq.). Les quatre récits ont été étudiés par M. N. Duric, Vier Fassungen...

44 Le prince Spargapisès, selon Hérodote (
1,211-213), fut capturé par Cyrus, et se donna lui-même la mort.

45 La campagne de Cyrus contre les Massagètes est racontée par
Hérodote, 1,201-214.

46 559-529 a.C.

47 Étonnante conclusion, qui arrive abruptement après le récit de la profanation du cadavre de Cyrus! Il faut sans doute y voir l'indice d'un changement de source.

48 529-522 a.C.

49 En 525 a.C. après la défaite du pharaon Psammétique III.

50 Cambyse tua de sa propre main le taureau sacré Apis (cf.
Hérodote 3,29).

51 Cf.
Hérodote, 3,26 et Plutarque, Alex. 26,12.

52 La mort de Cambyse est un des premiers développement du topos de la mort des profanateurs (détails dans
Hérodote, 3,64-66). Selon la médecine moderne, Cambyse succomba à une ostéomyélite traumatique.

53 La version officielle des aristocrates perses, assassins de Bardiya, successeur de son frère, a été enrichie par la légende.

54 Liste dans Hérodote (
3,70).

55 Selon Hérodote (
3,78), les deux conjurés ne furent que blessés ; la source de Trogue Pompée, ou bien l'auteur lui-même, a dramatisé le récit, sans se rendre compte de la contradiction avec les données du chapitre suivant.

56 Dans un récit évidemment apocryphe, Hérodote (
3,80-82) raconte comment les conjurés victorieux discutèrent alors du meilleur régime à adopter : Otanès (appelé Hostanès par Justin) défend une forme de démocratie, appelée isonomia, Mégabyze, un régime oligarchique, et Darius la monarchie.

57 Darius Ier le Grand régna de sept. 522 jusqu'à 486 a.C.

58 Atossa, future mère de Xerxès (cf.
Hérodote, 3,88 qui lui donne également pour femme une autre fille de Cyrus, Artystone).

59 Pendant la période de troubles entre la mort de Cambyse et la proclamation de Darius Ier, deux prétendus fils de Nabonide se proclamèrent roi en 522-521.

60 En fait, Zopyrus était le fils de Mégabyze, l'un des assassins des mages.


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