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Marcus Junianus Justinus
Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée.
texte établi et traduit par Marie-Pierre Arnaud-Lindet.

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Livre XXIII

Agathocle. Pyrrhos. Hiéron II, Agathocle passe en Italie 1,1—Origine des Bruttiens, 1,4—La fin d'Agathocle, 2,1—Offensive carthaginoise en Sicile 2,13—Pyrrhos en Sicile, 3,1—Infortune de Pyrrhos 3,11—Origine et débuts de Hiéron de Syracuse, 4,1.


1 2 3 4

Agathocle passe en Italie 1,1 Le roi de Sicile, Agathocle, ayant fait la paix avec les Carthaginois, soumit par les armes une partie des cités qui, confiantes dans leurs forces, avait fait sécession1. 2 Ensuite, comme s'il se trouvait oppressé par les bornes étroites d'une île dont il n'avait pas même espéré une partie de l'empire lors de ses premiers progrès, il passa en Italie en suivant l'exemple de Denys2 qui avait soumis beaucoup de cités d'Italie. 3 Ses premiers ennemis furent donc les Bruttiens3, parce qu'ils semblaient alors les plus courageux et les plus prospères, en même temps que prompt à léser leurs voisins.

Origine des Bruttiens 4 Ils avaient en effet chassé d'Italie beaucoup de cités d'obédience grecque ; 5 quant à leurs fondateurs, les Lucaniens, ils les avaient vaincus à la guerre et avaient fait la paix avec eux sous le régime de l'isonomie. 6 Ils avaient un cœur si féroce qu'ils n'épargnaient même pas leur parenté. 7 Et, en effet, les Lucaniens élevaient leurs enfants sous les même lois que les Spartiates. 8 De fait, à partir du début de la puberté, ils vivaient dans les bois au milieu des bergers, sans l'assistance d'esclaves, sans linge pour se vêtir ou sur lequel se coucher, si bien que, dès leurs premières années, ils s'accoutumaient à la rigueur et aux privations, sans aucun usage urbain. 9 Les prises de chasse étaient leur nourriture, le lait ou l'eau des sources, leur boisson.

10 Une cinquantaine, issue de leur nombre, prit d'abord l'habitude de faire du butin aux dépens des champs des voisins, puis, comme ils étaient devenus plus nombreux à cause d'une foule qui les rejoignait, excités au pillage, ils désolaient la région.

11 C'est pourquoi, Denys, le tyran de Sicile, excédé par les plaintes de ses alliés, avait envoyé six cents Africains pour les arrêter ; 12 et ils prirent d'assaut le château des Lucaniens que leur avait livré la femme Bruttia, et établirent là une cité et s'appelèrent "Bruttiens", du nom de la femme, tandis que tous les bergers accourraient à la renommée de la nouvelle ville. 13 Il y eut d'abord la guerre entre eux et les Lucaniens, les auteurs de leur origine, 14 et alors que, encouragés par la victoire, ils avaient fait la paix avec isonomie ; ils soumirent leurs voisins par les armes et acquirent en peu de temps de si grandes richesses qu'ils étaient tenus pour dangereux, même par les rois.

15 Enfin, le roi d'Épire Alexandre, venu en Italie avec une grande armée pour venir en aide aux cités grecques, fut anéanti par eux avec toutes ses troupes4. 16 C'est pourquoi leur férocité, enflammée par une heureuse réussite, fut longtemps redoutable pour leurs voisins. 17 À la fin, Agathocle, imploré, passa de Sicile en Italie dans l'espoir d'agrandir son royaume.

La fin d'Agathocle
2,1 Au début de son approche, les Bruttiens, ébranlés par sa renommée, lui envoyèrent des ambassadeurs demandant alliance et amitié. 2 Agathocle les invita à dîner afin qu'ils ne voient pas l'armée faire la traversée, et le lendemain il les abusa en s'embarquant après leur avoir fixé une date. 3 Mais sa ruse n'eut pas un résultat heureux, puisque, au bout de quelques jours, l'attaque d'une maladie le contraignit à retourner en Sicile : 4 saisi dans tout son corps, à travers tous les nerfs et toutes les articulations, il était en butte à une humeur pestilentielle qui l'envahissait, comme à un combat intérieur de chaque partie de son corps, une par une5. 5 Du fait de cette situation désespérée, il naît une guerre entre son fils6 et son petit-fils7 qui revendiquaient déjà son royaume, comme s'il était mort.

6 Donc, alors que le souci de son mal et son état de santé devenaient plus sérieux, et que la maladie et l'état de santé s'aggravaient mutuellement, au désespoir de la situation, Agathocle fait embarquer et renvoie en Égypte, d'où il l'avait reçue en mariage, son épouse Théoxène8 et les deux jeunes enfants qu'il avait eus d'elle, avec tout l'argent, le personnel domestique et l'appareil royal dont aucun roi, outre lui-même, ne fut plus riche, 7 bien que son épouse l'eût supplié longtemps de ne pas la séparer d'un malade, de peur que son départ pût être ajouté au parricide de son neveu et qu'elle semble avoir abandonné son époux aussi cruellement que celui-ci avait attaqué son oncle. 8 En se mariant, elle n'avait pas seulement contracté une alliance pour la prospérité mais pour tous les hasards de la fortune, et elle ne devait pas recevoir à contre cœur le péril de son souffle de telle sorte qu'elle recueille le dernier souffle de son mari et qu'elle s'acquitte, en l'accompagnant de la piété due, du devoir des obsèques pour lequel personne ne la remplacerait, une fois qu'elle serait partie. 9 Les petits enfants qui s'en allaient étreignaient leur père en poussant un faible gémissement ; de l'autre côté, l'épouse pressait de baisers son mari qu'elle ne reverrait plus. Les larmes du vieillard n'étaient pas moins pitoyables. 10 Les premiers pleuraient le père mourant, celui-ci ses enfants exilés ; les premiers déploraient la solitude, du fait de leur départ, d'un père, vieillard malade, celui-ci, de laisser dans le besoin des enfants élevés dans l'espoir du trône. 11 Pendant ce temps, tout le palais résonnait, rempli par les sanglots de ceux qui assistaient à une si cruelle séparation. 12 Enfin, la nécessité du départ imposa un terme aux larmes, et la mort du roi suivit immédiatement le départ de ses fils.

Offensive carthaginoise en Sicile 13 Pendant ces événements, les Carthaginois, ayant appris ce qui se passait en Sicile, et estimant que l'occasion de s'emparer de toute l'île leur était donnée, y passent avec de grandes forces et soumettent de nombreuses cités.

Pyrrhos en Sicile
3,1 À cette époque, également, Pyrrhos faisait la guerre contre les Romains. 2 Alors qu'appelé au secours par les Siciliens comme on l'a dit plus haut9, il était venu à Syracuse, il est nommé roi de Sicile, aussi bien que d'Épire. 3 Heureux du bonheur de ses entreprises, il destine son fils Hélénos au royaume de Sicile, royaume paternel, pour ainsi dire, car il l'avait engendré de la fille du roi Agathocle, et son fils Alexandre au royaume d'Italie10. 4 Après cela il livre aux Carthaginois beaucoup de combats heureux11.

5 Ensuite, du temps s'étant passé, des ambassadeurs de ses alliés d'Italie viennent lui annoncer qu'ils ne pourraient résister aux Romains et qu'ils allaient capituler s'il ne venait à leur secours. 6 Tourmenté par le double danger, ne sachant pas quoi faire ou à qui porter secours en premier, il réfléchissait, porté à l'une et l'autre solution, 7 puisque, sous la menace, ici, des Carthaginois, là-bas sous celle des Romains, il lui semblait dangereux de ne pas faire passer l'armée en Italie, plus dangereux de la retirer de Sicile, de crainte soit de perdre les Italiens en n'employant pas les grands moyens, soit de perdre les Siciliens en les abandonnant. 8 Dans cette marée de dangers, le port le plus sûr lui paru être la résolution de chercher la décision en Sicile, et une fois les Carthaginois mis en déroute, de transporter l'armée victorieuse en Italie12. 9 De ce fait, alors qu'il l'avait emporté, une fois le combat engagé, puisque cependant il quittait la Sicile, il parut s'enfuir comme un vaincu ; 10 et, pour cette raison, ses alliés firent défection et il perdit l'empire de Sicile aussi vite qu'il l'avait obtenu facilement.

Infortune de Pyrrhos 11 Toutefois, n'ayant pas éprouvé davantage de bonheur en Italie, il revient en Épire. Son sort étonnant dans l'une et l'autre affaire fut digne d'être un exemple. 12 En effet, de même qu'auparavant une fortune favorable, quand les choses coulaient au-delà de ses vœux, lui avait bâti l'empire de l'Italie et de la Sicile et tant de victoires sur les Romains, de même maintenant une fortune contraire, détruisant ce qu'elle avait accumulé comme pour montrer la faiblesse humaine, ajouta au désastre sicilien un naufrage en mer, un combat affreux contre les Romains et un honteux départ d'Italie13.

Origine et débuts de Hiéron de Syracuse
4,1 Après le départ de Sicile de Pyrrhos, Hiéron14 est créé magistrat, 2 et sa modération était si grande que, avec la faveur unanime de toutes les cités, il fut créé, d'abord, général contre les Carthaginois, et bientôt roi. 3 La façon dont fut élevé le bébé fut, pour ainsi dire, l'annonce de sa future majesté, 4 puisqu'il avait été engendré par Hiéroclite, son père, un noble dont l'origine remontait à Gélon, l'ancien tyran de Sicile15, 5 mais sa famille maternelle était de basse extraction et même à faire honte.

6 Il était, en effet, né d'une servante, et avait, pour cette raison été exposé par son père, comme un déshonneur pour la famille. 7 Mais des abeilles, amassant du miel autour du bébé gisant sur le sol, nourrirent pendant des jours le tout-petit, privé de soins humains. 8 Devant cela, le père, averti par la réponse des haruspices qui chantaient que le pouvoir royal était annoncé pour l'enfant, reprit le tout-petit et l'éleva avec un zèle entier, dans l'espérance de la majesté qui lui était promise. 9 Pendant qu'il étudiait à l'école élémentaire avec ceux de son âge, un loup, apparu soudain dans la foule des enfants, lui arracha sa tablette. 10 Quand, adolescent, il allait à ses premières batailles, un aigle se posa sur son bouclier, une chouette sur sa lance ; 11 et ce prodige signifiait qu'il serait prudent dans ses décisions, courageux physiquement, et roi. 12 Enfin, il combattit souvent contre des adversaires qui le défiaient et il remporta toujours la victoire.

13 Il reçut du roi Pyrrhos beaucoup de récompenses militaires. 14 Sa beauté physique était remarquable, et il avait aussi dans l'homme une force admirable. 15 Séduisant dans ses discours, juste en affaires, modéré dans l'exercice du pouvoir, à coup sûr il semblait que rien de royal ne lui manquait, si ce n'est le règne.


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1 Ligue d'Agrigente.

2 Denys l'Ancien, cf. supra,
20,1,1-4.

3 À propos des Bruttiens, cf. supra,
12,2,1-2 ; 18,1,2 ; 20,1,14. L'expédition commença vers 294 a.C.; cf. Diodore, 21, 8.

4 Cf. supra,
12,2,14.

5 Cf. Diodore, 21,16, selon qui le roi aurait été empoisonné au moyen d'un cure-dent qui lui avait été présenté par Menon. Il mourut en 289 a.C.

6 Agathocle.

7 Archagathos, qui porte le même nom que son père, Archagathos, tué en Afrique (cf. supra,
22,8,8-14).

8 Fille de Ptolémée Ier, dernière épouse d'Agathocle.

9 Cf. supra,
18,2,11-12.

10 En fait, c'est Alexandre, futur roi Alexandre II d'Épire, qui est le fils de Lanassa, la fille d'Agathocle.

11 En sept 278 a.C., Pyrrhos passe en Sicile, pendant que les Carthaginois assiègent Syracuse ; les Carthaginois se replient et Pyrrhos entre à Syracuse où il prend le titre de roi et hégémôn de Sicile. À partir d'avril-mai 277, il s'empare de l'ouest carthaginois, sauf Lilybée.

12 Pyrrhos retourna en Italie à l'automne 276.

13 Pendant l'automne 276, Pyrrhos retourne en Italie, après une grave défaite navale dans le détroit, il débarque à Locres, échoue devant Rhégion, pille le temple de Perséphone à Locres, et hiverne à Tarente. Au cours de l'été 275, il livre une bataille indécise à Bénévent contre M'. Curius Dentatus, et fait retraite, puis rentre en cachette en Épire (automne), en laissant Milon à Tarente, avec Hélénos.

14 Hiéron II, né en 307/6, fils de Hiéroklès, stratège de Syracuse en 275/4, prit le titre de roi en 269 a.C. Allié fidèle des Romains contre les Carthaginois, il règna jusqu'à sa mort en 216 a.C., au début de la 2ème guerre punique. Sur ses débuts, voir Polybe, 1,8-9 et Diodore, 22, 22-23.

15 Gélon, fondateur de la première tyrannie de Syracuse, celle des Déinoménides, fut d'abord le tuteur des deux enfants d’Hippocratès, tyran de Géla, assassiné en 490, puis exerça la tyrannie à Géla ; appelé à Syracuse par les représentants des Gamores chassés par une révolte du dèmos et réfugiés à Casmenai, il prit le pouvoir à Syracuse en laissant Géla à son frère Hiéron. Il fut tyran de jusqu'à sa mort en 478 a.C.


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