La situation en Asie mineure 3,1 Pendant ce temps, le roi de Bithynie Eumène10, voulant s'emparer de l'Asie, un bien vacant, pour ainsi dire, une fois les frères séparés et à bout de force du fait de la guerre civile, attaque le vainqueur, Antiochos, et les Gaulois. 2 En possession lui-même de toutes ses forces, il écrase sans difficulté des gens encore meurtris par la rencontre précédente11.
3 En fait, à cette époque, toutes les guerres étaient menées pour la perte de l'Asie : dans la mesure où quelqu'un était assez fort, il s'emparait de l'Asie comme d'une proie. 4 Séleucos et Antiochos, des frères, faisaient la guerre à cause de l'Asie, le roi d'Égypte Ptolémée, sous prétexte de venger sa sœur, convoitait avidement l'Asie. 5 D'un côté Eumène de Bithynie12, de l'autre les Gaulois, troupe toujours à la solde des plus bas, ravageaient l'Asie, tandis que pendant ce temps, au milieu de tant de bandits, il ne se trouvait aucun défenseur de l'Asie.
Les frères ennemis : Séleucos II et Antiochos Hiérax 6 Alors que, après la défaite d'Antiochos, Eumène13 s'était emparé de la plus grande partie de l'Asie, les frères, qui avaient perdu la prime pour laquelle ils faisaient la guerre, ne purent pas même alors s'accorder ; au contraire, laissant de côté l'ennemi de l'extérieur, ils préparent pour leur perte mutuelle la reprise de la guerre.
7 À nouveau vaincu au cours de celle-ci14, Antiochos finit par arriver, épuisé par une fuite de plusieurs jours, auprès de son beau-père, le roi de Cappadoce Ariaménès15. 8 Alors qu'il avait été d'abord accueilli avec bienveillance, il apprit au bout de quelques jours qu'on lui préparait un guet-apens et il chercha son salut dans la fuite16.
9 Donc, alors qu'il n'y avait nulle part de lieu sûr pour le fugitif, il accourut auprès de son ennemi Ptolémée dont il estimait la loyauté plus sûre que celle de son frère ; il se souvenait et de ce qu'il allait faire à son frère, et de ce qu'il méritait de la part de son frère. 10 Mais Ptolémée, qui n'avait pas de dispositions plus amicales envers celui qui s'était rendu qu'envers un ennemi, ordonne de l'emprisonner sous étroite surveillance. 11 Antiochos aidé par les bons offices d'une courtisane qu'il avait intimement connue, s'échappe de là aussi en trompant ses gardiens, et il est tué par des brigands pendant sa fuite.
12 À peu près à la même date, Séleucos, quant à lui, meurt jeté à bas de son cheval après avoir perdu son royaume17. Ainsi les frères, exilés tous deux comme par des destins jumeaux après avoir détenu le pouvoir royal, subirent le châtiment de leurs crimes18.
1 Antiochos II Qeo/s, été 246 a.C.
2 Séleucos II Kallinikos, fils de Laodice (I), première femme du roi
3 Antiochos avait répudié Laodice pour épouser Bérénice (I) en 253 a.C., un gage de paix après la fin de la 2ème guerre de Cœlé-Syrie (c.259-253) ; la princesse lui aurait apporté une dot importante dont on ignore la composition (Jérôme, in Dan. 11,6).
4 Ptolémée III Évergète (246-221) avait succédé à son père Ptolémée II, mort le 28 janv. 246 a.C. ; Bérénice (I) est sa sœur germaine ; il a épousé sa sœur utérine Bérénice (II), la fille de Magas.
5 Près d'Antioche sur l'Oronte ; il s'y trouve un téménos et un sanctuaire d'Apollon où la reine a dû se réfugier en vertu de l'asylum ; à prpos de la dédicace de l'ensemble, cf. supra, 15,4,8.
6 La 3ème guerre de Cœlé-Syrie dure de 246 à 241. La reine aurait été tuée dès 246 a.C. La révolte qui contraint à la retraite Ptolémée n'est pas autrement connue ; peut-être est-elle à mettre en rapport avec le développement de Trogue Pompée, coupé par Justin, dont on a connaissance par une phrase du prologue : Comment Ptolémée tua Adéos après l'avoir repris.
7 Frère germain de Séleucos, il semble avoir été poussé par sa mère Laodice à exiger le partage du pouvoir, sous la forme de la régence de l'Asie mineure.
8 I(e/rac, "le Faucon".
9 Victoire d'Ancyre en 240/239 a.C.
10 Erreur de Justin pour Attale Ier de Pergame, qui a succédé en 241 a.C. à son cousin Eumène Ier (263-241)
11 Les deux § précédents "résument", dans la plus grande confusion le développement de Trogue Pompée dont le prologue nous a conservé la matière : et comment les Gaulois, vaincus à Pergame par Attale, tuèrent Ziaelas de Bithynie.
Le roi de Bithynie Ziaelas était le fils de Nicomède Ier ; il s'allia successivement à Ptolémée II et à Antiochos Hiérax ; il fut tué par les Gaulois en 230/229 a.C.
C'est Attale Ier, successeur d'Eumène Ier en 241 a.C., qui a battu Hiérax et les Gaulois devant Pergame c. 236 a.C. À partir de cette date, il prend le titre de roi.
L'insistance dans l'erreur Eumène/Attale répétée aux § 11-12, peut provenir de l'abréviateur.
12 = Attale de Pergame.
13 = Attale de Pergame.
14 En Mésopotamie, en 228 a.C.
15 Fils d'Ariarathe II, Ariaménès (=Ariarathe III) avait épousé Stratonice, une sœur de Séleucos II (Diodore,31,19,6) et de Antiochos Hiérax. Pour sa part Hiérax avait épousé une fille de Ziaelas de Bithynie.
Ariaménès se trouve donc être le beau-frère des deux frères ennemis, et non pas le beau-père de Hiérax. La confusion provient vraisemblablement de Trogue-Pompée qui a dû lire dans sa source le terme grec khdesth/s (= tout parent par alliance) et mal l'interpréter.
16 En fait, il mourut en Thrace en 226 a.C., dans un combat avec des mercenaires gaulois, comme l'évoque le prologue.
17 Il n'avait en réalité perdu que l'Asie mineure, au profit du royaume de Pergame et de dynastes locaux.
18 Tout le livre XXVII est marqué par la recherche de scènes dramatiques et une rhétorique moralisante, hostile aux monarques hellénistiques, qui provient vraisemblablement de Philarque d'Athènes, critiqué entre autres par Polybe (2,56) pour son goût du pathétique et l'absence de réflexion historique.