Conclusion sur Philippe 8,1 Philippe mourut à quarante-sept ans, alors qu'il avait régné vingt-cinq ans27. 2 Il eut d'une danseuse de Larissa un fils, Arridée28, qui régna après Alexandre. 3 Il eut aussi beaucoup d'autres fils, conçus, selon l'usage royal, de diverses unions29: ils périrent les uns de mort naturelle, les autres de mort violente. 4 Il fut un roi plus passionné par l'appareil des armes que par celui des banquets, 5 et pour qui les richesses étaient principalement des instruments de guerre ; il fut plus habile à l'acquisition des biens qu'à leur conservation, 6 c'est pourquoi, au milieu de ses rapines quotidiennes, il était toujours sans ressources. 7 Il était compatissant ou perfide, à son choix et au même titre. Il n'y avait selon lui aucun moyen honteux de vaincre. 8 À la fois séduisant et trompeur, il promettait en paroles plus qu'il ne tenait ; il était artificieux dans les choses sérieuses et dans les plaisanteries. 9 Il cultivait les amitiés par intérêt, non par loyauté. Feindre d'être en bons termes avec ceux qu'il haïssait, faire naître la haine entre deux alliés, chercher à être en bons termes avec l'un et l'autre, c'était son comportement habituel. 10 Parmi cela, il avait de l'éloquence et une façon de parler remarquable, pleine de subtilité et de finesse, de sorte que son discours fluide ne manquait pas d'ornements stylistiques ni ces ornements de trouvailles spontanées.
11 À Philippe succéda son fils Alexandre qui fut plus grand que son père aussi bien en valeur militaire qu'en vices30. 12 De fait, ils avaient tous deux une méthode différente pour remporter la victoire : celui-ci conduisait des guerres franches, celui-là usait de moyens détournés. Celui-là se réjouissait d'avoir trompé ses ennemis, celui-ci de les avoir ouvertement mis en déroute. 13 Celui-là était plus avisé dans ses projets, celui-ci plus éclatant de courage. 14 Le père dissimulait sa colère, le plus souvent même, il la dominait ; quand l'autre s'enflammait, il n'y avait ni délai ni mesure à sa vengeance. 15 Le père avait l'habitude de courir du banquet à l'ennemi, d'en venir aux mains, de s'offrir témérairement aux dangers ; Alexandre ne faisait pas rage contre l'ennemi, mais contre les siens. 16 Pour cette raison, Philippe revint souvent blessé des combats, l'autre sortit fréquemment d'un banquet en meurtrier de ses amis. 17 L'un ne voulait pas être roi avec ses amis, l'autre exerçait la royauté sur ses amis. Le père préférait être aimé, l'autre, être craint. 18 L'un et l'autre avaient un goût semblable pour les belles-lettres. 19 Philippe était plus mesuré dans ses paroles et ses discours, l'autre, dans ses actions. 20 Le cœur du fils était plus prompt et plus généreux à épargner les vaincus. Le père était plus disposé à la modération, le fils à la démesure. 21 C'est avec ces qualités que le père jeta les bases de l'empire du monde entier, et que le fils porta à sa perfection la gloire de l'œuvre tout entière.
1 Justin a coupé le récit des opérations devant Périnthe et de l'échec de Philippe en 340 a.C., dû à l'aide des Perses à la cité, dont traitait Trogue Pompée à la fin du livre VIII et au début du livre IX. N'ayant pas réussi à prendre la cité, Philippe se dirige alors vers Byzance. La première phrase du livre IX de Justin, reprise d'un autre passage de Trogue Pompée est complètement sorti de son contexte, et l'énoncé trahit, une nouvelle fois, l'ignorance géographique de notre abréviateur. Sur les événements, voir Diodore, 16,74-77.
2 340/339 a.C.
3 En fait, Byzance était une ancienne colonie de Mégare qui fut conquise et non fondée par Pausanias en 477 a.C. Pausanias n'était pas roi de Sparte, mais régent pour son cousin le roi Pléistarchos, fils de Léonidas. Cette double erreur de Justin résulte d'une coupure maladroite dans le texte de Trogue Pompée, qui parlait, d'après le prologue, des origines de Byzance, puis de son histoire.
4 Byzance fut conquise par Cimon, fils de Miltiade, en 471/0 a.C. La cité fut membre de la ligue de Délos, participa la révolte de Samos, et passa à Sparte à la fin de la guerre du Péloponnèse ; elle fut, entre 390 et 356 a.C., l'alliée d'Athènes dont elle réclama l'aide contre Philippe en 340.
5 Un convoi de blé d'Athènes en automne 340 a.C.
6 Raids de 339 a.C.
7 Justin a sauté l'histoire des Scythes depuis l'époque de l'expédition de Darius Ier contre Ianthyros (2,5,8-11).
8 Citoyens d'Histrée, une colonie de Milet sur la mer Noire.
9 Apollonie Pontique, une autre colonie de Milet sur la mer Noire.
10 Un roi des Histriens appelé Moskon est connu par des monnaies datables de la fin du IVe ou du début du IIIe s. (C. Preda, Fasti…, p. 237, n. 3353.
11 Cf. Frontin, Str. 2,8,14.
12 L'anecdote a frappé les Anciens : cf. à propos du pauvre cheval, le fragment conservé de Marsyas de Pella (FGH 135/6 F 17)
13 En nov. 339 a.C. après que Philippe eut franchi les Thermopyles et occupé Élatée. Les efforts de Démosthène avaient détaché les Thébains de l'alliance avec Philippe, renforcée à l'ouverture de la quatrième guerre sacrée (340 a.C.), dont Justin ne parle pas. Sur les événements, voir Diodore, 16,84-88.
14 Bataille de Chéronée en Béotie, le 1er sept. 338 a.C.
15 À propos des réactions de Philippe, voir Diodore, 16,87 et Plutarque, Dem. 20,3.
16 Philippe fut proclamé h(ge/mwn par les délégués des cités qui participèrent au congrès de Corinthe pendant l'hiver 338/7 a.C. (cf. infra, 5,1-2).
17 Antipater (c.400-319) fut l'un des meilleurs généraux de Philippe, puis d'Alexandre, et l'un des plus importants des diadoques ; on le retrouvera souvent dans le récit de Justin.
18 Paix de Démade, 337 a.C.
19 À la fin de l'automne 338 a.C., Philippe punit les Spartiates de leur attitude en leur imposant des abandons de territoire en faveur d'Argos, de Tégée, de Mégapolis et de la Messénie.
20 Cléopâtre était en réalité la nièce d'Attale. Philippe l'épousa en 337 a.C. Diodore, utilisant peut-être deux sourcees, parle tantôt de la sœur (17,2,3), tantôt de la nièce d'Attale (16,93,9).
21 Le mariage fut célébré dans l'ancienne capitale, Égées, pendant l'été 336 ; la mariée était fille de Philippe et d'Olympias, et sœur germaine d'Alexandre le Grand.
22 Alexandre Ier (342-330), cf. supra, 8,6,4-8.
23 Cléopâtre eut de Philippe une fille, Europè (cf. infra, 9,7,12), mais on ignorait le sexe de l'enfant à naître au moment de la fameuse querelle entre Alexandre et Philippe.
24 En 337 a.C. Alexandre et Olympias partent auprès d'Alexandre Ier, le futur gendre de Philippe.
25 Alexandre revint après la naissance de la fille de Philippe et de Cléopâtre, avec l'assurance d'être alors l'héritier présomptif.
26 Pausanias fut rattrapé dans sa fuite par Perdiccas, Attale et Leonnatos (cf. Diodore, 16,91).
27 Né en 383/2 a.C., Philippe exerça le pouvoir comme régent, puis comme roi de 359 à 336, ce qui fait plus exactement vingt-quatre ans.
28 Philippe III Arridée, fils de la danseuse Philinna.
29 On connaît sept des épouses ou concubines de Philippe, mais quelques-uns seulement de ses enfants (voir tableaux généalogiques en annexe), en dehors de ceux que l'on a déjà cités : Alexandre et Cléopâtre, enfants d'Olympias, Arridée, fils de Philinna, et Europè, fille de Cléopâtre. Alexandre, au début de son règne, fit tuer son frère consanguin Caranos (infra, 11,2,3 et la n. ad loc.) et un certai nombre de ses proches parents (infra, 11, 5,2).
30 Ainsi juge Cicéron (De Off., 1,26,3) : Philippum rebus gestis et gloria superatum uideo a filio ; facilitate et humanitate fuisse superiorem.